« Mais maman, pourquoi vous partez ? » La petite Blake se tenait sur le proche, les larmes aux yeux, devant sa mère agenouillée devant elle. A sept ans, déjà habituée aux absences répétées de ces parents, cela ne la choquait pas davantage mais là c'était bel et bien différent. Ces parents lui avaient expliqué brièvement qu'ils avaient beaucoup de travail et que la laisser à une nourrice était hors de question. C'est la raison pour laquelle, la petite fille devait quitter le cocon familial pour une maison où sa grand-mère logeait et s'occuperait d'elle. Oui, ils avaient essayé de lui expliquer mais en vain. Comment dire à une petite fille clairement que vous préfériez vous consacrez à votre travail plutôt qu'à elle ? Même si c'était égoïste .. C'est sans un geste que Monsieur et Madame Rafferty quittèrent leur fille unique, sûrs qu'ils faisaient la meilleure chose pour Blake. Quelle erreur .. Quand la voiture s'éloigna au loin dans le village de Roseneath, la petite fille ne put s'empêcher d'éclater en sanglots malgré les bras rassurants de sa grande mère, Ilda, qui l'entourait. Un horrible sentiment d'abandon s'emparait d'elle même si une partie d'elle continuait d'espérer. Ils étaient ces parents non ? Ils n'allaient pas l'abandonner, ils viendraient la chercher un week end et l’emmèneraient loin d'ici. Elle attendit avec impatience le dimanche même et ce jour là patienta toute la journée aux portes de la ville. Comment une petite fille pouvait tenir plusieurs heures comme ça, le regard dans le vague ? Simplement à cause de son innocence et de son espoir. Chaque dimanche, elle revenait. Elle ignorait les regards compatissants, les mots censés être réconfortants. C'est au bout de quelques mois que la réalité la frappa. Ils ne reviendraient pas. C'est à ce moment là que la grand mère de Blake s'inquiéta pour elle. Un soir, alors perdue dans ces pensées et refermée sur elle-même, Ilda l'avait questionné sur son changement d'attitude si soudain. « Ma chérie. Je suis désolée que tes parents viennent si rarement et qu'ils ne te reprennent pas .. Mais pourquoi cette dureté sur ton visage, pourquoi être autant agressive et méprisante ? » Pour la première fois depuis la révélation, la petite fille regarda droit dans les yeux sa grand mère. Lasse, elle préféra ne pas lui dire qu'elle avait fini d'espérer, qu'elle voulait arrêter de souffrir comme ça et que la meilleure façon d'y arriver était de se couper des autres. Rabaisser les autres était même devenu quelque chose d'agréable. Elle ne voulait pas blesser celle qui était au fond la figure maternelle présente dans sa vie. C'est pourquoi elle haussa les épaules et qu'elle tourna à nouveau la tête vers la fenêtre.

Indifférente à ce qui l'entourait, une scène particulièrement révoltante pour Blake attira son attention. Sur le trottoir devant elle, se trouvait une rouquine assez ronde qui semblait en difficulté face à trois autres enfants qui se moquaient d'elle. La petite fille, n'écoutant que son courage, agrippa une petite peste blonde et la poussa dans l'herbe, créant la méfiance chez les autres autres qui reculèrent. Les sourcils froncés, elle attrapa la main de la rousse et l'entraîna derrière elle sans prendre garde aux cris furieux du groupe d'enfants derrière elles. Quand elle estima qu'elles étaient assez loin, Blake s'arrêta et se retourna vers la petite fille qu'elle avait arraché aux autres. « Moi c'est Blake. Ma grand-mère me surnomme Bonnie donc tu fais comme tu veux. » Comme si elles venaient de passer un accord tacite, Blake et la petite fille nommée Rosamund ne se quittèrent plus sauf quand elles étaient obligées. Elles passaient tout leur temps dans les bois. Bientôt elles furent rejoints par Virgile, Kenneth puis par Zadig et Clive qui après que l'idée de la construction d'une cabane eut été lancée, la construisirent. C'est ce groupe qui faisait ressortir le meilleur en elle. Elle se sentait en famille, en sécurité, en paix.

« Alors Blake ou Bonnie comme on aime bien te surnommer. Comment vis-tu ta dernière année au lycée ? » Assise à une table face à un membre du journal de l'école de Roseneath, la jeune femme de dix-sept ans fit mine de réfléchir et au bout de plusieurs secondes, la réponse évidente qui lui était venue à l'esprit dès que la question avait été posée fut dite à haute vois. « Et bien je la vis plutôt bien. Je sais ce que je veux faire plus tard, j'ai un petit ami adorable et des amis fantastiques. Que demander de mieux ? » Un sourire heureux éclaira le visage de Blake tandis que le bruit du crayon sur du papier s'élevait. Polie, elle attendit que le pseudo journaliste eut fini d'écrire. Une autre question ne tarda pas à être posée. « Tu veux vraiment percer dans la mode ? Depuis combien de temps es-tu sûre de ce choix ? » Méditant bien la réponse, Blake mit plus de temps pour répondre et quand elle fut sûre de ce qu'elle allait dire, n'hésita pas à donner son point de vue. « Oui c'est vrai. Je le sais depuis mes quinze ans. J'adore dessiner et mes premiers croquis sont assez impressionnants d'ailleurs. » Regardant sa montre, le membre du journal rassembla ces affaires et se leva. Il adressa un sourire d'excuse à Blake qui arqua un sourcil. « Je suis désolé mais j'ai une interview qui ne va pas tarder à débuter. J'ai tout ce qu'il me fallait. Bon courage pour la suite ! » La suite : remise de diplôme le lendemain même. Levant les yeux au ciel, elle se leva à son tour et quitta la pièce en quête de son petit ami, Clive qui lui avait envoyé un sms. Curieuse de voir ce qu'il avait à dire, elle le le consulta. « Ecoute .. On est bien ensemble et c'est pas ta faute mais j'ai besoin de rester seul .. Je suis désolé Blake. » Paralysée, elle en lâcha presque son téléphone. Il devait bien se ficher d'elle pour agir de la sorte, sans lui donner une raison justifiable pour qu'elle puisse essayer de tourner la page. Était-ce à cause de leurs deux ans de différence ? Mais non. Le lendemain c'est les traits crispés qu'elle s'avança sur l'estrade et qu'elle reçut son diplôme. Elle quitta Roseneath peu après pour Londres où elle y passa tout son été à présenter ces dessins. Quand la chance marcha, elle put avoir sa propre ligne de vêtements. Ce qui fut sans doute le plus surprenant fut d'ailleurs l'arrivée de sa mère dans sa vie. Comme par hasard elle souhaitait rattraper le temps perdu. En l'espace de quelques mois, Blake se rendit compte qu'elle détestait sa mère qui était une inconnue pour elle. Même si la ressemblance physique était présente, elle ne voulait absolument pas lui ressembler. C'est sans doute l'une des raisons qui la poussa à revenir à Roseneath. Tout le monde fut bien surprit quand Blake posa ses valises ici. Complètement changée et épanouie, beaucoup eurent de belles ou de mauvaises surprises.